Comment décririez-vous le défi principal de créer des environnements numériques crédibles pour L’Inconnu de la Grande Arche ?
Le gros défi, c’était vraiment de rendre les décors aussi réalistes que possible et de bien s’inspirer de références précises. Il ne suffit pas de poser des objets, il faut faire attention à tous les petits détails, à la lumière, aux textures, à tout ce qui participe à la crédibilité de l’image. Même les éléments que l’on invente doivent sembler vrais, comme s’ils existaient réellement. On passe donc beaucoup de temps à observer le monde réel pour ne rien manquer. Au final, le but est que la personne qui regarde le plan y croie totalement et ne soit jamais gênée par quelque chose qui sonne faux.
Quelle a été la scène ou l’étape de chantier la plus complexe à reconstituer et pourquoi ?
Peut-être le plan où le héros rencontre Ieoh Ming Pei, l’architecte de la pyramide du Louvre. Le plan était très long, environ 1300 frames. Avec Jessica, on est partis du principe que ce serait une mauvaise idée de traiter ça entièrement en rendu 3D. On a donc réalisé une grande projection, en ajoutant petit à petit des détails et des événements pendant ce long panoramique où les deux comédiens se déplacent sur la dalle, figurant l’emplacement de la future pyramide de verre.
Quel était l’objectif artistique : coller au réalisme comme pour un documentaire, recréer l’esthétique des archives ou proposer une vision plus cinématographique ?
Pour ce projet, on voulait vraiment aller dans la direction du réalisme, comme si on faisait un reportage. On n’a pas cherché à embellir l’image, ni à lui donner un look rétro façon archives, ni à dramatiser comme au cinéma. L’idée était de retranscrire une ambiance fidèle à la réalité telle qu’elle aurait pu être vécue à l’époque. On s’est concentrés sur les petits détails qui rendent les scènes authentiques, pour que tout sonne juste et que l’expérience paraisse vraie du début à la fin.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez travaillé sur L’Inconnu de la Grande Arche et quelles ont été les étapes de travail ?
On a commencé par regarder beaucoup d’archives avec Lise afin de coller au mieux à l’ambiance des années 80. Ensuite, on a discuté avec Jessica des méthodes de travail à adopter en fonction des plans à réaliser. On a monté les plans, certains très détaillés dès le début parce que c’était la meilleure façon de les présenter, et d’autres plus rough au départ, sur lesquels on est ensuite venu ajouter progressivement du détail.
Qu’est-ce qui fait qu’un matte painting fonctionne dans ce film : le détail, la lumière, l’échelle, la cohérence avec les comédiens ?
Parfois, ça tient à pas grand-chose. Il faut s’assurer que tous les éléments intégrés respectent la perspective, la direction de la lumière et la définition du composite final. Il faut aussi regarder le plan dans le montage, en tenant compte du plan précédent et du plan suivant, pour vérifier que l’ensemble s’intègre naturellement. On analyse la manière dont le chef opérateur éclaire son film, l’aspect des décors filmés, ainsi que la structure des plans non truqués, au niveau du cadrage, des couleurs et de la lumière. Malgré tout, il arrive que le plan reste étrange, qu’il y ait encore quelque chose qui attire l’œil. Dans ce cas, on revoit la séquence avec nos plans truqués intégrés et on teste différentes variations jusqu’à ce que le mélange devienne totalement invisible.
Y a-t-il un plan ou une séquence dont vous êtes particulièrement fièr.e.s ? Pourquoi ?
Il y en a plusieurs, notamment le plan dont s’est occupée Alexia Ferry, qui montre le chantier depuis un point de vue en hauteur lors de la visite du président Mitterrand. L’original du tournage ne représentait qu’une petite partie du décor, au milieu d’un champ de pommes de terre. Elle s’est appuyée sur les assets fournis par Landry pour les pieds d’éléphant et les banches, et a créé une énorme quantité d’assets en 2D et en 3D afin de donner au chantier une ampleur gigantesque. Elle a ensuite réalisé une série d’animations pour faire bouger les grues, les camions et certains engins. Le plan est très réussi.

Qu’est-ce qui, selon vous, rend ces environnements uniques par rapport à d’autres films ?
C’est le choix d’être restés complètement dans une ligne réaliste, contrairement à de nombreux films qui stylisent ou enjolivent les décors. On s’est interdit les effets trop tape-à-l’œil ou tout ce qui aurait pu faire cinéma au sens spectaculaire du terme. Tout est pensé pour être vrai et crédible, sans exagération. Cela crée une ambiance très naturelle, qui permet au spectateur d’y croire pleinement. C’est ce qui fait la différence avec d’autres films où l’esthétique prend le pas sur le réalisme.
Y a-t-il autre chose que vous aimeriez partager ?
Tout le monde était motivé et à l’écoute, aussi bien pour proposer des idées que pour résoudre les problèmes sur les plans, et chacun a apporté sa touche personnelle. Franchement, c’est le genre d’expérience qui donne envie de recommencer. Je pense que c’est aussi ce qui a permis au projet d’être aussi réussi.
Le mot de la fin ?
Tout d’abord merci à Lise Fischer, qui nous a fait confiance. Ensuite, toute l’équipe du département environnement de MPC pour leur implication et leur bonne humeur, en particulier Alexia Ferry, Thomas Houdayer, Alicia Mendes, Céline Bailleul et Diwan Bertrand. Et surtout, un immense merci à Jessica Ferry, qui a supervisé la fabrication des plans d’environnement. Bravo à elle et à toute l’équipe.